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Le blog de Patrice ARMUSIEAUX
30 mai 2021

L'Alsace a six ans pour mettre en place l'écotaxe pour les camions, voici ce qui est envisagé

Une ordonnance vient de fixer les modalités de mise en place d'une taxe poids lourds en Alsace. Son président, Frédéric Bierry, en a dévoilé quelques contours.

La Collectivité européenne d’Alsace (CEA) avait déjà la capacité légale de mettre en place une taxe sur les poids lourds, aussi appelée écotaxe, mais une ordonnance du 26 MAI en fixe les modalités d’application.

« Cette ordonnance nous laisse le maximum de libertés : liberté de définir le réseau taxé, liberté dans les tarifs, liberté dans l’organisation », se félicite Frédéric Bierry, président LR de la CEA qui, lors d’un point presse organisé ce jeudi 27 mai 2021, a dévoilé quelques contours de cette future taxe. 

Quand la taxe doit-elle entrer en vigueur ?

L’ordonnance du 26 mai fixe un délai de six ans maximum pour mettre en place la taxe.

« Sa mise en place ne se fait pas en un claquement de doigts et suppose encore beaucoup de conditions. Au mieux, si les procédures étaient toutes respectées dans les délais, on parle de 2024 », précise M. Bierry.

Quels véhicules pourraient être taxés ?

Dans son article 2, l’ordonnance définit les véhicules taxables, mais ne dit pas ceux qui seront effectivement taxés à la fin.

« Notre idée, initiale, est de taxer le grand transit, celui qui n’amène pas de valeur ajoutée mais qui contribue malheureusement à emboliser, créer des bouchons, insécuriser les routes », explique le président de la CEA.

Par « grand transit », M. Bierry entend « ceux qui font un trajet Nord-Sud européen, passent par notre territoire mais ne le livrent pas, par exemple ». 

« C’est cela que nous aimerions taxer, sauf que le droit européen ne nous permet pas, aujourd’hui, de faire le tri », précise-t-il.

En tout cas, le président de la CEA dit avoir « lancé un travail avec l’ensemble du monde économique alsacien pour mesurer l’impact que pourrait avoir tel ou tel mode de taxe parce qu’on ne veut pas mettre en difficulté les entreprises alsaciennes ».

Quelles routes devraient être taxées ?

Le réseau taxable est constitué des routes et autoroutes relevant du domaine public de la CEA. Ces routes doivent répondre à l’un des critères suivants, fixés par l’ordonnance : 

  • « Le trafic moyen journalier sur une année civile excède neuf cents véhicules de transport routier de marchandises ;
  • Elles supportent un report significatif de trafic en provenance des voies faisant partie du réseau taxable […]. »

« Les routes que nous visons, ce sont principalement les grands axes », précise M. Bierry. « Mais on doit veiller à ce qu’une taxation sur certains axes n’amène pas un transfert de trafic sur de plus petits axes du territoire », complète-t-il. 

Techniquement, comment sera prélevée la taxe ?

« Je ne veux pas présumer des choix définitifs mais on va essayer d’optimiser les portiques existants, ça paraît évident », confie Frédéric Bierry. 

« Ce qui nous apparaît aujourd’hui le plus efficace, c’est que les transporteurs soient obligés de s’équiper d’un boîtier qui fait que, quand ils passent sous les portiques, ils sont enregistrés [puis taxés] », détaille-t-il. 

Pourquoi la CEA est favorable à sa mise en place ?

La collectivité voit dans cette taxe un moyen de rééquilibrer la situation avec nos voisins allemands : 

Cette taxe, nous l'avons sollicitée, d'abord parce qu'aujourd'hui nous subissons un trafic poids lourds nord-sud qui, normalement, devrait circuler sur l'A5 allemande mais qui, consécutivement [à la mise en place d'une taxe outre-Rhin], se reporte sur le territoire alsacien. Plus de 1 500 camions se retrouvent tous les jours sur ce territoire, alors qu'ils ne devraient pas [y être].

Frédéric Bierry

Vers un retour des Bonnets rouges ?

Frédéric Bierry craint-il un retour des Bonnets rouges, ce mouvement de protestation apparu en 2013 en Bretagne, notamment en réaction à la taxe poids lourds finalement abandonnée ? 

« C’est complètement différent », veut croire le président alsacien : « Qu’est-ce qui change par rapport à la situation des Bretons ? C’est que, nous, on a à subir un trafic qui est lié à la mise en place d’une taxe sur le territoire voisin allemand et qui, du coup, nous génère des charges et des contraintes qu’on ne rencontre pas dans les autres territoires français. C’est ça qui, aujourd’hui, rend insupportable pour un certain nombre de nos concitoyens, le trafic. »

Pour prévenir tout embrasement, Frédéric Bierry promet de « consulter les Alsaciens sur cette question ».

Michel Chalot, président régional de la Fédération nationale des transports routiers, a déjà dit, jeudi 27 mai, son opposition à cette taxe au Micro de France bleu ALSACE.

Retour de l'écotaxe : les Bonnets rouges lancent un avertissement

Les membres du collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne, à l'origine du mouvement des Bonnets rouges en 2013, montent au créneau face un possible retour de l'écotaxe.

Des portiques sont encore sur pied au-dessus de certaines routes à double voie. Ces équipements sont les derniers vestiges de l’écotaxe sur les poids lourds. Son entrée en vigueur était prévue le 1er janvier 2014. Or, elle n’a jamais vu le jour en raison de la forte mobilisation des Bonnets rouges.

Le collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne était à l’origine de ce mouvement de contestation. Thierry Merret, à l’époque président de la FDSEA du Finistère et Christian Troadec, le maire de Carhaix (Finistère), étaient en première ligne.

Le 1er novembre 2013, une manifestation géante avait eu lieu en centre-ville de Quimper.

Projet de loi sur le climat

Ils n’ont pas tardé à réagir au projet d’un retour de l'écotaxe, inscrit dans le projet de loi sur le climat. Il fait bondir les membres du collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne. Ils l’écrivent dans un communiqué après une réunion, mi-février dernier, en mairie de Carhaix. 

Il serait scandaleux que les conséquences pratiques nous renvoient aux aberrations sociales, économiques et financières du projet d'écotaxe de 2013. (...) Il n'est pas question de placer l'activité économique bretonne sous la tutelle d'un monopole d'Etat dont les intérêts sont manifestement éloignés des intérêts bretons. 

Les porte-parole du collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne.

Le collectif reste donc sur ses gardes et rappelle, toujours dans son communiqué, que « depuis plus de 7 ans, la France n’a proposé ni mis en place des moyens alternatifs au transport routier (ferroutage, transport fluvial, cabotage)… » 

 

Ecotaxe : l’enfant de la privatisation des autoroutes

Suspendue par Jean-Marc Ayrault face à la colère montante des agriculteurs bretons, la genèse de l'écotaxe est directement liée aux autoroutiers. Dans les deux cas, un même objectif: facturer l'usage d'une route et parfois aussi les mêmes opérateurs.

Chercher la femme, dit le proverbe. En France, pour les nouvelles taxes, mieux vaut chercher du côté des opérateurs de l’Etat, ces agences et autres hautes autorités qui ont pullulé ces dernières années. L’ecotaxe, votée dans le cadre du Grenelle de l’environnement de 2008, répond parfaitement à ce principe.


Le gros du produit prévu, (1,2 milliard d’euros prélevés sur les transporteurs routiers moins les 240 millions que conservera Ecomouv, la société collectrice) doit alimenter l’AFIFT. Derrière ce sigle se dévoile l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Routes, autoroutes urbaines gratuites, mais aussi lignes à grande vitesse... la liste des courses de l’agence fait d’elle un monstre budgétivore.


Face à ces milliards d’euros de dépenses, l’Etat avait mis des recettes: l’énorme flux de dividendes que lui procurait la détention des autoroutes. Sauf qu’en 2005, Dominique de Villepin, décide d’encaisser la manne en une seule fois en privatisant le solde des participations de l’Etat dans ASF, APRR ou la Sanef. Une solderie qui permettra d’encaisser 15 milliards d’euros dont seulement 4,7 seront affectés à AFIFT. Ainsi privée de sa rente annuelle, quelques 40 milliards cumulés sur la trentaine d’années de concessions restantes, l’agence se trouve dans l’incapacité de tenir son programme d’investissements. Qu’à cela ne tienne, l’écotaxe y pourvoira.
Mais la présence des autoroutes dans l’histoire de l’écotaxe ne se limite pas à sa genèse. Car facturer l’usage d’une route, qu’est ce donc sinon un péage, et ça, les autoroutiers savent faire. On les retrouve d’ailleurs un peu partout dans la chaine de l’écotaxe. Ainsi d’Autostrade, le concessionnaire des autoroutes italiennes aujourd’hui montré du doigt pour ses importants coûts de fonctionnement (un Partenrait public privé sur 10 ans). C’est lui à travers Ecomouv, sa filiale française, qui est en effet en charge de la collecte de cette taxe. Moins visibles que Autostrade, les principaux acteurs des autoroutes françaises sont aussi dans ce bateau.


La raison en est simple, un camion ça emprunte non seulement les routes nationales et départementales sur lesquelles s’appliquent la taxe, mais aussi les autoroutes. Outre Total, il n’est donc pas étonnant de trouver parmi les premières et principales sociétés habilitées de télépéages (ces SHT qui fournissent le boitier embarqué sur les camions pour calculer et facturer la taxe), les sociétés Axxes et Eurotoll. Axxes ? Cette société par actions simplifiée, n’est autre qu’une filiale d’Autoroutes du sud de la France (35,5 % du capital), d’Autoroutes Paris Rhin Rhone (28,10 %), et du Crédit Mutuel (25 %), et se présente comme le leader des SHT. Quant à Eurotoll, c’est le bébé de la SANEF et la SAPN, le troisième autoroutiers Français. Evidemment ces boitiers sont interopérables avec le télépéage sur les autoroutes françaises et certaines de leurs homologues européennes.


Pour les autoroutiers cette taxe constitue donc un double bénéfice. Primo, et c’est une règle simple d’économie : la facturation de l’usage des routes auparavant gratuit reportera une part significative du trafic sur les sections à péages des autoroutiers. Quitte à payer 13 cts le kilomètre sur une route nationale pourrie, autant payer 50% voire le double sur des routes droites rapides et moins encombrées. Secundo, la généralisation de boitier préfigure celle du télépéage. En substituant des portiques aux casemates de péages où il faut payer en trois huit des agents, les compagnies autoroutières dégagent d’importantes économies et de là augmentent leur marges déjà très confortables.


Autrement dit, si vous avez quelques économies et que vous croyez que l’Etat ne mettra pas fin à cette folie, il n’y a pas à hésiter : acheter des actions Vinci.

 

 

 

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